Birmanie>Net Hebdo n° 55 - 3 mars 2004
La lettre d'information hebdomadaire d'Info Birmanie



Sommaire 

  • La drogue et le conflit en Birmanie



La drogue et le conflit en Birmanie
Un rapport du TRANSNATIONAL INSTITUTE (TNI)
traduit et adapté par Fanny Guillier pour Info Birmanie

Le texte qui suit est l'adaptation en français d'un rapport du TNI daté de décembre 2003.
Le rapport original est consultable sur le site
http://www.tni.org/
sous le titre: "Drugs and Conflict in Burma - Dilemna for policy responses".


C’est l’armée nationaliste chinoise de Chiang Kai-Shek, le Kuomintang, qui fut la première à organiser le trafic d’opium dans les régions frontalières avec la Birmanie, la Thaïlande et le Laos. Après sa défaite face aux forces communistes, le KMT s’est retranché dans le nord de la Birmanie d’où il a mené plusieurs attaques infructueuses dans la province de Yunnan ; il a donc été contraint de changer de stratégie et il a commencé à occupé des zones de l’Etat Shan près de la frontière thaïlandaise où il a mis en place un réseau d’échange d’opium qui lui a survécu.
Une épée de Damoclès est suspendu au-dessus de l’Etat Shan , la zone de production d’opium la plus importante de Birmanie ; en 2002, la prohibition de l’opium est entrée en vigueur dans la région de Kokang et d’ici 2005, la production sera interdite dans la région Wa. L’application de ces interdictions est une menace pour les ressources vitales de quelques 250,000 familles de l’Etat Shan, qui dépendent de l’économie de l’opium.
Les communautés rurales risquent d’être sacrifiées à travers l’effort fourni afin de se plier aux pressions internationales et aux contrôles américains qui visent à supprimer, dans de courts délais, la production de drogue, perçue comme une menace pour la sécurité régionale. En réponse à ces pressions, les autorités locales et nationales tentent de s’attirer les faveurs de la communauté internationale en annonçant des mesures de prohibition colossales. La nature complexe du problème pose de nombreux dilemmes et nécessite des réponses politiques ciblées tant au niveau local qu’au niveau international afin de permettre au pays d’avancer dans la voie du développement, de la réconciliation nationale et de la démocratie.
Une diminution constante et progressive de la production de drogue pourrait avoir un effet positif sur l’épidémie de HIV en Birmanie, qui est due, en majeure partie, à la consommation de drogue par intra-veineuse. Cette réduction permettrait également de limiter les problèmes liés au trafic de drogue, comme la prolifération du ya ba (méthamphétamines) en Thaïlande, la corruption et les conflits de pouvoirs en Birmanie qui résultent des revenus dégagés par les groupes armés. L’histoire a montré que très peu d’acteur du conflit se sont tenu à l’écart de l’économie parallèle ; la stigmatisation de l’une ou l’autre des parties est donc infondée.
Pour atteindre à long terme une diminution de la production, des sources de revenu alternatives doivent être proposées aux fermiers afin qu’ils puissent subsister. Or, l’application des délais fixés ne permettra pas la mise en place d’une alternative, malgré les efforts de l’UNODC (United Nations Office on Drugs and Crime) ; la crise humanitaire menace la stabilité sociale fragile des zones de production. Sans les ressources adéquates, les effets à long termes des solutions proposées sont très douteux. Afin d’assurer le respect de ces promesses en la matière, la junte risque de renforcer la répression ainsi que les atteintes aux droits de l’homme et les déplacements de population. La seule option viable réside dans la pression internationale exercée sur le régime pour l’éradication de l’opium ; toutefois, ces pressions doivent simultanément être accompagnées d’une aide humanitaire internationale de grande envergure. La prohibition et l’éradication de l’opium en Birmanie ne pourra se faire pleinement et sainement que si la communauté internationale accepte de s’investir d’avantage en Birmanie.

I. L’économie de l’opium et l’interdiction en cours

Le véritable problème dans les régions Wa et de Kokang, est que l’opium est la seule culture qui rapporte suffisamment d'argent pour assurer son transport vers les points de vente. Pour supprimer l’opium dans ces zones, il faut y implanter des cultures de substitution suffisamment lucratives pour assurer la survie des populations et éviter leur migration.
Les autorités Wa se sont déjà imposé une interdiction sur l’opium qui prendra effet en juin 2005, après la récolte de printemps ; dans la zone de Kokang, une interdiction est entrée en vigueur l’an passé. Près de 250,000 foyers vivant au niveau de subsistance seront privés de la moitié de leur revenu ou contraint à migrer.

1. L’économie de l’opium

Derrière l’Afghanistan, la Birmanie est le deuxième producteur mondial d’opium, la matière première de l’héroïne. Près de 90% de l’opium provient de l’Etat Shan, où 40 à 50% de la drogue est produit dans les régions de Wa et de Kokang. Les récents rapports de l’UNODC et du Département d’Etat américain (USSD) font état d’importantes diminutions dans la production, de l’ordre de 23% (UNODC) à 37% (USSD) pour l’année 2003.
La décroissance constante des productions ces dernières années a entraînée des réactions optimistes au sein de l’UNODC. Le directeur exécutif  a déclaré qu’il y a peu, cette diminution aurait été impossible mais il a souligné que les Etats concernés nécessitaient une assistance régulière afin de substituer à la culture de l’opium des activités lucratives légales ; l’Asie du Sud-Est deviendrait alors selon lui, une source mineure de l’opium d’ici 2008.
En 1998, la session spéciale de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur les drogues a fixé un délai de 10 ans pour éliminer ou réduire significativement la culture de l’opium d’ici 2008. Les Etats d’Asie du Sud-Est ont conjointement décidé d’éradiquer la drogue dans leur région d’ici 2015 ; concernant l’opium, ils ont décidé d’adhérer au court délai fixé par l’Assemblée Générale, prévoyant une réduction de 33% en 2003 et une autre de 66% en 2005.
La stratégie anti-drogue de la junte birmane poursuit donc cet objectif. En 1999, le plan sur 15 ans pour l’Elimination des drogues narcotiques a été adopté ; ce plan est divisé en 3 phases de 5 ans visant à régler les problèmes liés à la production et à la consommation. Ce plan prévoit que d’ici 2009, l’Etat Kachin, ainsi que le nord, l’est et les 2 tiers du sud de l’Etat Shan seront libérés de la culture du pavot ; la phase finale de 5 ans concerne le sud de l’Etat Shan, ainsi que les Etats Chin et Kayah.  Le régime assure que si l’aide internationale est effectivement disponible, ce plan pourrait être conclu plus rapidement que prévu. Entre 1985 et 1988, les Etats-Unis ont aidé la junte en conduisant des opérations aériennes  d’aspersion des champs de pavot avec l’herbicide 2,4-D (un des ingrédients de l’Agent Orange) comme ils l’avaient fait au Guatemala. Le gouvernement a d’ailleurs créé un Musée de l’élimination des Drogues où les opérations d’éradication sont relatées.
La stratégie de contrôle des drogues du SPDC comporte des mesures répressives très controversées comme le recensement et le traitement obligatoire de tous les consommateurs, et les opérations militaires d’éradication forcée contre les fermiers. Par ailleurs, concernant le développement alternatif, le gouvernement préfère instaurer de grandes infrastructures comme des barrages, des centrales électriques, des ponts ou des usines plutôt que de véritables projets de développement local pour les populations touchées.

2. La Birmanie et le marché global des opiacés

Le marché global des opiacés a toujours été très instable à cause des déplacements géographiques des cultures de pavot. Le déclin de la production birmane depuis 1997 (après une décennies de stabilité dans la production) n’est pas uniquement imputable aux politiques de la junte ou de l’UNODC en la matière. En plus de mauvaises conditions météorologiques ces dernières années, le marché des opiacés a facilité ce déclin : L’héroïne birmane a été éjectée des marchés américains et européens. Les saisies effectuées aux EU ont pu démontrer que les opiacés d’Asie du sud-est ont été remplacés par ceux d’Amérique du sud ; en 1993, beaucoup de grandes villes sur la côte est des EU étaient approvisionnées à 90% par de l’héroïne provenant d’Asie du sud-est alors que dans les années 2000, elle ne représentait plus que 10% de cet approvisionnement. En Europe, le marché est saturé par les opiacés afghans. La majeure partie de la drogue produite en Birmanie est aujourd’hui consommée en Asie du sud-est, au Japon et en Australie.
Très récemment, les mesures de prohibition  dans les régions de Kokang, Wa et de l’est de l’Etat Shan ont commencé à influer sur la production ; toutefois, étant donné la faible dispersion des drogues birmanes sur le marché mondial, l’impact de ces mesures ne devrait pas être largement ressenti à travers le monde. La question est régionale : comment le marché sud asiatique va-t-il s’adapter à cette diminution ? Des sources indiquent que des cultures sont d’ores et déjà développées en Chine pour faire face à cette réduction ; d’autre part, il n’est pas exclu que les cultures birmanes soient simplement déplacées dans le pays. Néanmoins, le trafic trans-régional ne risque pas d’être interrompu, étant donné la densité de la production afghane. En réalité, l’interdiction sur l’opium posée par les talibans en 2001 fut la seule faille de ce marché depuis de nombreuses années. La panique provoquée à cette occasion a certainement poussé les trafiquants internationaux à surenchérir sur leur concurrents du sud-est asiatique afin de fournir leur consommateurs européens ; 2 ans plus tard, le marché a été stabilisé.

3. Une transition trop rapide

La principale inquiétude réside dans le fait que le manque à gagner laissé par l’éradication des cultures ne peut être comblé par les moyens de substitution qui sont insuffisants ; en effet, pour l’année 2002-2003, les autorités birmanes espéraient réduire la production de 50%. Néanmoins, le représentant de l’UNODC à Rangoon, plus réservé, a mis en garde le gouvernement contre une mauvaise transition, entraînant le pays vers une crise humanitaire certaine.
Les autorités Wa et de Kokang ont décrété la prohibition du pavot, et pénalisent désormais toutes les activités liées à la drogue, la culture, la production, le trafic et la consommation.
La prohibition dans la région de Kokang fut décidée en 1997, dans le but d’éradiquer l’opium de cette zone pour la saison 2000-2001. L’éradication forcée a commencée en 1998, réduisant la zone cultivée d’un tiers ; la date d’éradication fut ensuite reconduite à la saison 2002-2003. L’impact de l’entrée en vigueur de l’interdiction en 2002, est confirmé par la comparaison des récolte de 2002 et 2003. Dans la région de Kokang, une diminution de 60% des hectares cultivés est constatées ; dans tout le nord de l’Etat Shan, c’est une réduction de 50% des hectares qui a été enregistrée, et particulièrement dans les villes jugées comme cibles prioritaires par le SPDC pour la première phase de 5 ans. Néanmoins, d’importantes hausses de production ont été constatées dans le nord de la région Wa ainsi que dans le centre de l’Etat Shan, ce qui laisse préjuger d’un déplacement des cultures dû aux fortes pressions exercées dans le nord de l’Etat Shan.
Pour la région Wa, la loi inclut une close qui précise que les cultures des fermiers seront détruites s’ils ne s’adaptent pas d’ici 2005 ; des peines d’emprisonnement sont également prévues pour augmenter la pression exercée sur les récalcitrants. En effet, de nombreux cas de fermiers emprisonnés ont été rapportés, même s’il n’existe pas de chiffres officiels pour mesurer cette répression.
Selon M.Lemahieu, représentant de l’UNODC à Rangoon, la réduction des cultures de pavot dans la région de Kokang est drastique mais la situation des fermiers et de leurs familles est alarmante ; la crise humanitaire dans cette région est imminente. Près de 30% des parents retirent leurs enfants de l’école pour revendre le matériel scolaire ; en effet, 80% des foyers qui cultivaient l’opium utilisaient ces revenus pour acheter du riz. Les 500$ gagnés annuellement servaient à nourrir la famille et assurer des besoins basiques tels que la santé ou l’éducation. Aujourd’hui, les prémices de la famine apparaissent et le Programme d’Alimentation Mondial a récemment commencé à apporter en urgence une assistance afin de distribuer du riz aux fermiers qui cultivaient le pavot, en partenariat avec de nombreuses ONG. Les problèmes constatés dans la région de Kokang ne sont rien comparés à ceux qui risquent de voir le jour sur le long terme ; par ailleurs, la situation est en phase de se répéter dans les collines très peuplées de la région Wa si le problème n’est pas traité différemment.

4. Le marché du Ya Ba

On entend souvent l’argument selon lequel le SPDC et les autorités Wa souhaitent éradiquer la production d’opium car ils préfèrent désormais produire des méthamphétamines qui sont plus rentables. En effet, dans le sud-est asiatique, les Amphetamine-type Stimulants (ATS) sont devenues une drogue de premier choix ; la Thaïlande connaît une grave crise de prolifération de ces tablettes appelées Ya Ba .( médicaments qui rendent fou) A travers le monde, les ATS représentent le marché illicite qui connaît l’expansion la plus rapide. Les éléments chimiques de base, les éphédrines, sont produites en Chine et en Inde pour un coût dérisoire ; contrairement à la cocaïne et l’héroïne, dont les productions sont limitées par la géographie et le climat, les drogues synthétiques peuvent être produites n’importe où. C’est pourquoi les laboratoires de production ont poussé comme des champignons en Birmanie, et particulièrement sur la frontière thaïlandaise pour répondre à l’énorme demande ; jusqu’en 1997, des usines existaient dans le centre de la Thaïlande mais se sont délocalisées avec le durcissement dans l’application de la loi. Il n’y a aucun doute sur l’existence de ces laboratoires en territoire Wa, qui sont parfois même protégés par les autorités Wa et le SPDC lui-même. Environ 700 millions de tablettes quittent la Birmanie tous les jours à destination de la Thaïlande ; d’énormes profits sont dégagés et toutes les autorités locales sont largement corrompues. La production d’ATS est un marché très concurrentiel ; les réseaux bougent facilement et de nouveaux groupes apparaissent constamment. La dynamique est très différente de celle de l’économie de l’opium.

5. Le développement alternatif dans la région Wa

En  1998, sous l’égide de l’UNODC le Programme de Contrôle des Drogues des Nations Unies (UNDCP) a commencé le projet de développement alternatif de la région Wa (WADP) avec l’objectif d’assister les autorités Wa dans la transition vers une région sans pavot d’ici 2005. Le projet vise à améliorer la sécurité alimentaire, assurer des revenus de substitution et améliorer les conditions de vie en matière de santé et d’éducation pour quelques 6250 familles réparties dans 4 communes. Ce projet qui doit se prolonger jusqu’en 2005 représente le plus gros effort en terme de développement alternatif de toute la Birmanie, bien que les fonds disponibles soient largement inférieurs aux sommes requises. Selon le rapport d’évaluation, les obstacles rencontrés par le WADP sont sans précédents. En 2000, le projet a même été suspendu après que des brigades de sécurité Wa ait pris en otage une partie de l’équipe travaillant sur le projet dans un centre de désintoxication.
Initialement, les autorités Wa n’étaient intéressées que par les infrastructures construites pour la bonne marche du projet comme les routes. Des tensions sont apparues lorsque les populations furent associées au projet de développement, à travers une approche participative : les autorités ont alors craint une baisse de leur influence dans la région ; finalement, après de longues négociations, les activités de développement au sein des communautés n’ont pu débuter que dans 4 villages. C’est d’ailleurs pour l’absence d’une approche participative sérieuse que le projet fut vivement critiqué lors de l’évaluation de 2003 ; toutefois, ces premières étapes ont permis d’instaurer une certaine confiance de la part des autorités Wa qui ont autorisé les équipes du projet a étendre l’approche participative à 15 villages cette année.
Initialement, l’UNDCP soutenait l’idée d’un délai clairement fixé pour l’éradication. D’ailleurs, l’annonce de la prohibition du pavot dans la région Wa dès 2005, a fait suite à une réunion tenue entre des représentants Wa, des membres du régime, et des membres de l’UNDCP en juin 1995 où les autorités Wa ont accepté le projet à condition de percevoir une aide de la communauté internationale. Aujourd’hui, aux vues des circonstances, les coordinateurs du projet ne sont plus d’avis d’imposer une interdiction avant que les moyens d’un développement alternatif ne soient mis en place pour assurer son succès.
En effet, la prohibition prévue pour 2005, limite la portée du projet de développement alternatif qui n’en a plus que le nom. La réduction des cultures de pavot est assurée par les autorités qui utilisent des moyens coercitifs et l’imminence de l’interdiction a réduit les objectifs du projet qui apparaît désormais comme une simple mission humanitaire d’assistance aux populations dépendantes de l’économie de l’opium. La réussite du projet d’origine nécessite, paradoxalement, que les critères de contrôle internationaux soient allégés, que les délais soient prorogés et que l’idée d’une tolérance zéro soit révisée.
D’autres contradictions apparaissent, notamment à travers la politique de relocation forcée ; en effet, les ressources du nord de la région Wa ne peuvent pas assurer la survie des populations si la culture de l’opium y est interdite. Ainsi, les autorités ont ordonné le déplacement de 40,000 à 50,000 personnes vers la frontière thaïlandaise et la zone du WADP. Le projet de l’UNODC, bien qu’opposé à ces mesures, n’a pas pu les empêcher et tente aujourd’hui de limiter la portée humanitaire de tels déplacements.
Le projet est donc limité à ces missions les plus basiques : augmenter la production de riz et améliorer les conditions de santé et d’éducation. La portée en est très limitée car le projet n’est déployé que sur une infime partie du territoire : 28 villages sur 328 peuvent en bénéficier ; cela ne représente que 150 hectares de pavot.
Même le Comité Central pour le Contrôle des Abus de Drogue du SPDC (CCDAC) estime que la date butoir de 2005 pour la région  Wa est très ambitieuse et dangereuse pour les populations rurales qui auront beaucoup de mal à s’adapter ; le SPDC va même jusqu’à suggérer que la prorogation du délai de quelques années serait toujours en accord avec les objectifs nationaux. Les autorités Wa qui sont elles même conscientes des risques encourus, considère la prohibition comme le seul moyen d’être accepté par la communauté internationale ; de plus, elles sont confiantes en l’aide internationale, à travers le projet UNODC dont le futur au-delà de 2005 est pourtant incertain.
Il est clair que la prohibition se ferra comme prévue. Cependant, les autorités vont au devant de difficultés supplémentaires : plus les cultures sont détruites, plus les prix du pavot augmentent ; le risque est que la seule manière d’appliquer cette interdiction sera bientôt l’éradication forcée. La portée de la prohibition dépendra alors de la puissance de la répression exercée et de la confiance des populations dans les projets de développement.
Finalement, aucun bienfait ne pourra être retiré d’une telle prohibition : ni pour les populations, ni pour la communauté internationale qui verra les zones d’approvisionnement se reconstituer, ni pour le SPDC ou les autorités Wa qui n’obtiendront pas la reconnaissance politique escomptée en cas de crise humanitaire.   

6. Les " rois de l’opium "

En réponse à une rébellion dans l'Etat Shan un an après le coup d’Etat de 1962, Ne Win a introduit le programme Ka Kwe Ye qui autorisait la constitution de milices locales pour combattre les insurgés, en échange d’un contrôle relatif sur leur territoire ; la plupart de ces milices ont été largement impliquées dans le trafic d’opium, ce qui n’a eu pour conséquence que d’augmenter l’instabilité dans l’Etat Shan. Les plus célèbres de ces milices étaient dirigées par Lo Hsing-han dans la région de Kokang et par Khun Sa, dans le nord de l’Etat Shan.
Quand Ne Win abandonna ce programme en 1973 Lo Hsing-han rejoignit clandestinement la Shan State Army qui s’allia également avec la Shan United Army (SUA), clandestine depuis l’arrestation de Khun Sa en 1969. Ces 3 forces ont réémergé un peu plus tard près de la frontière thaïlandaise, qu’ils considéraient comme le point névralgique des récoltes d’opium ; ces terres furent mises en vente pour la communauté internationale (pour leur destruction) en échange d’une assistance. Après de longues délibérations, les EU refusèrent l’offre. Lo Hsing-han fut arrête par les autorités thaïlandaises et extradé à Rangoon, avant d’être utilisé, en 1989, comme intermédiaire dans les négociations de cessez-le-feu. Khun Sa fut libéré de prison en 1973 et devint le nouveau " roi de l’opium ". La SUA qu’il dirigeait, est devenue l’une des armées les plus puissantes basée à la frontière thaïlandaise, après avoir forgé (ou forcé) de nombreuses alliances. Dans les années 1990, l’armée de Khun Sa s’est rebaptisée la Mong Tai Army et contrôlait de vastes zones frontalières. En janvier 1996, suite à de lourdes pressions, Khun Sa invita l’armée birmane dans ses quartiers généraux pour sa reddition.

7. Responsables ou bouc-émissaires

Après la reddition de Khun SA et de la MTA (Mong Tai Army), l’USWA (United Wa State Army) a été diabolisée par les médias et les Etats Unis comme étant l’armée la plus impliquée dans le trafic d’opium et de méthamphétamines au monde. A contrario, ses membres sont considérés comme étant les narcotrafiquants les mieux armés du monde. Bien que les Wa ne soient pas innocents, les politiques du trafic de drogue sont compliquées et tous les acteurs en Birmanie sont impliqués d’une manière ou d’une autre ; les Wa ne contrôlent pas les échanges qui sont assurés par des réseaux chinois qui furent instaurés par le Kuomintang. Des membres de l’USWA reconnaissent que leur organisation détenait des raffineries d’héroïne et des usines d’amphétamines jusqu’en 1998 et que les autorités centrales prélevaient des taxes sur le trafic ; toutefois ils affirment que ces activités ont cessé et sont désormais interdites sur tout leur territoire. Ainsi l’UNSWA  se considère comme injustement accusée pour le trafic qui persiste dans la zone frontalière et compte sur l’application de la prohibition pour redorer son blason aux yeux de la communauté internationale. Selon Even Yawd Serk, membre de la SSA South (Shan State Army South), il ne faut pas accuser le peuple Wa pour les activités menées par certaines individualités ; ils ne sont que des boucs-émissaires alors que les bénéfices profitent au SPDC et aux chinois. L’idée selon laquelle des gangs chinois sont dissimulés derrière ce trafic est également partagée par le SPDC et les autorités thaïlandaises. Malgré l’ambition officielle du SPDC d’éradiquer la drogue sur son territoire, son implication dans le trafic est évidente, au moins au travers de la corruption. Par ailleurs, la réintroduction de l’argent de la drogue dans l’économie formelle a considérablement augmenté depuis 1990, et selon un rapport de l’USSD, le blanchiment d’argent en Birmanie est un facteur déterminant de l’économie birmane. Face à la complexité de la situation birmane, la responsabilité du trafic est habituellement rejetée sur les " rois de l’opium " ou sur les " narco-armies ". Il est plus facile pour les agences américaines ou celles des Nations Unies ou encore pour le gouvernement thaïlandais d’accuser ces " bandits " plutôt que de mener une enquête sérieuse qui, à coup sûr, démontrerait une forte implication du pouvoir.

II. Un débat politisé : la divergence des positions

Alors que les aspects humanitaires du problème de la drogue sont clairement établis, sa dimension politique est souvent ignorée ; pour certain, il est nécessaire que des réformes politiques précèdent l’éradication des cultures et des trafics. En tout état de cause, l’important est que l’action menée dans ce domaine n’occulte pas le besoin de réformes politiques nationales ; toutefois, actuellement, le problème des drogues représente un frein au processus de transition.
Les réponses apportées par la communauté internationale concernant les changements politiques et la réconciliation nationale sont diverses. Alors que les Etats Unis, l’Union Européenne et les autres états de l’ouest prônent une politique d’isolation et de sanctions, les états membres de l’ASEAN prônent un engagement ciblé pour permettre le changement. L’échec de la communauté internationale, qui ne parvient pas à s’entendre sur une position commune, a également des répercussions sur le contrôle des drogues en Birmanie.

1. Les Etats-Unis

Les EU ont mis en place un régime de sanctions très dense, clairement lié à l’absence de progrès du régime en matière de démocratisation, de droits de l’homme et d’éradication des drogues. En 1997, le gouvernement Clinton a interdit les investissements américains en Birmanie pour toutes ces raisons ; en 2003, le Président Bush a déclaré que la Birmanie, avec Haïti et le Guatemala, n’ont pas honoré leurs obligations internationales en matière de drogue et n’ont pas pris les mesures nécessaires à cet égard. Depuis 1988, les EU ont suspendu toute assistance directe à l’éradication des drogues et n’ont fait état d’aucune coopération de la junte avec les instances internationales à ce sujet. Toutefois, en 2002, pour la première fois depuis 15 ans, le Département d’Etat américain et l’ambassade américaine à Rangoun laissaient entendre que Washington était sur le point de reconnaître et ainsi certifier les efforts du régime birman en matière d’éradication des drogues. Cependant, les atteintes aux droits de l’homme et l’impasse politique dans laquelle le pays est plongé furent les facteurs déterminants du refus de l’administration américaine de certifier des progrès en la matière.
Après l’attaque menée contre le convoi d’Aung San Suu Kyi, le 30 mai 2003, le Président américain a introduit dans la législation, l’interdiction des importations de Birmanie, l’interdiction des transactions financières avec la Birmanie et l’interdiction pour les membres du régime birman de pénétrer sur le sol américain. Cette nouvelle loi lie les sanctions aux progrès démocratiques et à l’extradition de Khun Sa, un des " roi de l’opium " vers les EU. En 2003, les EU ont placé l’UNSWA sur la liste des responsables du trafic.

2. L’Union Européenne

L’UE a formulé sa position dans sa Politique Etrangère et de Sécurité Commune ; depuis 1996, cette position a été renforcée à plusieurs occasion. Les mesures incluses sont principalement un embargo sur les armes, une interdiction de visa pour les représentant du régime et les personnes ayant d’importants intérêts commerciaux en Birmanie, ainsi que le gel de tous leurs avoirs en Europe. A côté de cette position commune, des programmes d’aide humanitaire ont toujours subsisté afin d’assister les populations les plus pauvres.
Malgré les pressions exercées à l’ouest, la Birmanie fut acceptée par l’ASEAN en 1997 ; en réponse, les réunions UE-ASEAN furent suspendues jusqu’en 1999. L’UE a envoyé des délégations officielles en Birmanie pour tenter d’établir un dialogue politique avec le SPDC afin de promouvoir la réconciliation politique et d’expliquer les intentions de l’UE à l’égard de la Birmanie. Par ailleurs, l’UE a également examiné les possibilités d’augmenter l’aide humanitaire vers la Birmanie, particulièrement au regard de l’épidémie de VIH/Sida, sans lever ses sanctions.
Après l’attaque contre le convoi d’Aung San Suu Kyi le 30 mai dernier, l’UE a renforcé sa position en étendant l’interdiction de visa aux familles des membres du SPDC, aux députés aux anciens ministres et aux officiers militaires. Leurs avoirs furent également gelés.

3. L’ASEAN, la Chine, l’Inde et le Japon

L’ASEAN (Association of Southeast  Asian Nations) a opté pour une position différente, fondée sur " l’engagement constructif " et la non-interférence dans les affaires internes ; cette position a été largement critiquée comme étant une excuse pour légitimer les échanges commerciaux.
Depuis son entrée dans l’organisation en 1997, la Birmanie fut le terrain de nombreuses divergences, spécialement suite à sa condamnation par l’ASEAN après les évènements du 30 mai 2003.
Economiquement et politiquement, la Chine est l’allié le plus stratégique du SPDC et son principal fournisseur d’armes. L’influence grandissante de la Chine en Birmanie est un problème important pour l’Inde qui, depuis quelques années, tente de renforcer ses liens avec le SPDC. Le Japon est le principal fournisseur d’aide, mais depuis le 30 mai, tous les programmes ont été suspendus.

a. l’impact du trafic de drogue dans la région

Les problèmes internes à la Birmanie sont devenus de plus en plus inquiétants pour la région. L’épidémie du VIH/SIDA ne peut être contenue dans l’enceinte du pays et les drogues birmanes, qui étaient traditionnellement vendues hors de la région, y sont de plus en plus consommées, causant de nombreux problèmes. La Chine, la Thaïlande et l’Inde qui, initialement, faisaient figure de pays de transit sont aujourd’hui d’importants marchés de consommation ; ces 3 pays ont constaté une augmentation alarmante des personnes dépendantes. Les flux d’opium, d’héroïne et de méthamphétamines déversés à travers la frontière birmano-thaïlandaise sont devenus la principale préoccupation du gouvernement thaïlandais en terme de sécurité. Depuis 1996, l’usage des méthamphétamines en Thaïlande a considérablement augmenté ; le marché était estimé à 700 millions de pilules en 2002, ce qui représente 10 pilule pour chaque homme, chaque femme et chaque enfant. Les relations entre les 2 pays sont donc très tendues lorsqu’il s’agit de drogue. La Thaïlande accuse l’échec de la Birmanie en matière de contrôle et le SPDC accuse la Thaïlande de soutenir le SSA South. Cette situation a entraîné des conflits frontaliers en 2001 et 2002, même si les relations se sont récemment améliorées.

b. La lutte thaïlandaise contre le trafic de drogue

Le 1er février 2003, le gouvernement thaïlandais a entamé une nouvelle phase dans sa lutte contre la drogue, qui fut un succès selon le Premier Ministre, Thaksin Shinawatra. Les organisations de défense des droits de l’homme ont fortement critiqué cette campagne, accusant les autorités d’avoir orchestré une vague de meurtres entraînant la disparition de 2300 présumés dealers pendant les 3 premiers mois de la campagne ; selon le gouvernement, ceci est le résultat de disputes entre différents gangs. Il est difficile d’obtenir des informations exactes sur ces meurtres, tant la pression exercée sur les journalistes d’investigation est importante ; toutefois, certains laissent entendre que la plupart des victimes étaient de petits consommateurs ou de petits dealers, constituant le socle de la pyramide et non sa pointe. De plus, il est de notoriété publique que les autorités thaïlandaises ont parfois recours à des moyens coercitifs illégaux, et à des unités de tireurs spéciaux. Suite à ces nombreuses critiques, le gouvernement fit marche arrière et les meurtres s’arrêtèrent ; au même moment, le délai initial de 3 mois fut prorogé jusqu’à la fin de l’année.

c. Les mesures chinoises

Le trafic d’héroïne a considérablement augmenté en Chine ; il semble qu’une route traversant la Chine a remplacé les routes de transit thaïlandaises, qui étaient les principales voies d’accès des drogues birmanes vers la mer et le reste du monde. En conséquence, de larges quantités de drogue s’arrêtent en Chine, entraînant une importante recrudescence du virus VIH/SIDA chez les consommateurs de drogue par intra- veineuse. La demande n’est plus uniquement basée dans les zones frontalières, mais dans l’ensemble du pays ; le marché chinois en perpétuelle expansion offre pour les producteurs, de nouvelles opportunités. Dans la Province du Yunnan, les saisie de drogue ont doublées entre 1995 et 2002. Après la révolution de 1949, la Chine était parvenue à se débarrasser des opiacés grâce à des lois sévères et aux idéologies révolutionnaires. Aujourd’hui, l’augmentation du virus VIH/SIDA dans la Province du Yunnan, suite à la réouverture des échanges avec la Birmanie est un problème considérable. D’autre part, la Chine a toujours été très sévère avec les trafiquants de drogue qui encourent la peine de mort ( en 1994, Yang Mouxian fut exécuté ; il était le jeune frère d’un leader d’un groupe de cessez-le-feu de la région de Kokang…) La Chine s’est toujours montrée très déçue du manque d’implication de la junte birmane en la matière ; elle est co-signataire du Projet de Développement Alternatif Wa, et permet ainsi l’utilisation de ses réseaux téléphoniques, de son système bancaire et de son réseau routier pour le transport de marchandise. Depuis, de nombreuses réunions régionales concernant le contrôle des drogues furent organisées par la Chine.

d. Les initiatives régionales en matière de contrôle

De nombreuses initiatives de contrôle des drogues ont vu le jour dans la région. Cela inclus le Plan d’Action sub-régional de l’UNODC signé par la Birmanie, le Vietnam, la Thaïlande, le Laos, la Chine et le Cambodge qui vise à contrôler la production et le trafic de narcotiques dans la région.
On peut également citer une initiative de l’ASEAN et de la Chine, l’ACCORD (ASEAN and China Cooperative Operations in Response to Dangerous Drugs) qui repose sur 4 piliers : attirer l’attention des populations sur les dangers de la drogue et les informer sur les solutions sociales proposées ; construire un consensus et partager les meilleures expériences de réduction de la demande ; renforcer les lois avec un faisceau de mesures de contrôle ; et éliminer les sources d’approvisionnement en encourageant les programmes développement alternatif et la participation des communautés à l’éradication des cultures illicites.
En 1998, la Birmanie était co-signataire, avec les autres états de l’ASEAN, de la déclaration commune pour une zone sans drogue au sein de l’ASEAN d’ici 2015.

4. Les controverses autour de l’aide humanitaire

La Birmanie souffre d’une importante crise socio-économique, mais la question de savoir s’il faut ou non envoyer de l’aide, et si oui, par quel moyen, soulève d’importants débats. Certains pensent que l’aide humanitaire soutient et légitime le gouvernement militaire, puisqu’il est impossible d’atteindre les populations dans le besoin. Au contraire, les ONG internationales qui travaillent dans le pays et qui sont assistées par de nouvelles organisations locales pensent qu’il est possible d’aider les populations et que leur présence permet aux ONG locales de garder leur place. Par ailleurs, il semble injuste de punir les populations dans le besoin pour les agissements de leur gouvernement. La NLD défend la position selon laquelle l’aide est la bienvenue si elle est transparente et destinée aux populations.
Ces dernières années, de nombreux gouvernements et organisations internationales ont envoyé des délégations en Birmanie pour examiner les différentes manière de venir en aide au pays, même si la plupart des aides furent suspendues après les évènements du 30 mai 2003.
Par ailleurs, après la signature des premiers accords de cessez-le-feu, la plupart des groupes armés ont privilégié le développement social qui avait été négligé pendant des années. Ils ont fait appel à la communauté internationale pour obtenir de l’aide (ONU, ONG, etc.). Néanmoins, le sentiment de frustration subsiste, tant la communauté internationale est réticente à envoyer de l’assistance ; cette dernière est tenté d’attendre les progrès politiques de la part de Rangoon, mais selon les travailleurs sociaux, il existe de nombreux problèmes urgents qui ne pourront attendre ces progrès et qui ne se trouveront pas résolus avec la fin de la crise politique. Ce changement de position est également entendu chez certains représentant birmans en exil, comme M.Harn Yawnghwe. Ce n’est pas parce qu’on s’attaque à la cause du problème, qu’on ne peut pas en traiter les symptômes.

5. La drogue et le VIH/SIDA

La Birmanie doit faire face à l’une des plus sévères épidémies de HIV dans toute l’Asie, due à la prolifération de l’usage de drogue par intra-veineuse ; il y a environ 150 à 250,000 personnes qui consomment l’héroïne par injection dont 63% sont infectées par le virus ( jusqu’à 96% dans certaines zones, le taux le plus élevé du monde). Aujourd’hui, plus de 600,000 adultes et enfants sont infectés par le VIH en Birmanie et les conduites à risque sont toujours très répandues. (61% des consommateurs par intra-veineuse partagent leurs seringues et leurs aiguilles)
En 2001, le gouvernement a reconnu le HIV comme préoccupation nationale mais les moyens étaient déjà mobilisées pour l’application des lois sur les narcotiques qui imposent de nombreuses contraintes. Le traitement pour les personnes dépendantes était l’abstinence totale ; les thérapies de substitutions ont été récemment examinée comme des solutions possibles. Les peines pour consommation en Birmanie sont très lourdes depuis que le gouvernement a criminalisé la dépendance. Une personne dépendante doit s’enregistrer auprès des autorités pour prendre un traitement ; l’absence d’enregistrement ou l’échec d’un traitement peut entraîner une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans. Les " délinquants " de la drogue constituent près de 70% de la population carcérale où la transmission du HIV contribue largement à l’épidémie. Les lois anti-drogues interdisent la production, la vente, ou l’utilisation d’une aiguille hypodermique sans licence qui peut être punie d’une amende et/ou de 6 mois d’emprisonnement. Cette mesure contribue largement au partage des aiguilles et fut théoriquement suspendue en avril 2001.

6. Le soutien aux programmes de lutte contre la drogue

Les Nations Unies ont mené des projets d’éradication des narcotiques en Birmanie depuis les années 1970 à travers l’UNFDAC (United Nation Fund for Drug Abuse Contrôle) et plus tard, à travers l’UNDCP qui opèrent sous l’égide de l’UNODC. Les objectifs de ces projets sont divers : la substitution des cultures, les programmes de développement, les études sur l’opium, ou l’éducation. L’UNODC est limitée par ses mandats aux questions relatives aux personnes dépendantes, et à la diminution des cultures par des projets de développement ; elle ne peut intervenir dans les moyens de l’application de la loi. Cependant, l’agence a été critiqué pour ses carences en matière d’actions menées contre les amphétamines.
D’autre part, de petites initiatives existent également, comme un petit projet de l’UNDCP dans la région de Kokang jusqu’en 2002, un petit projet financé par les EU dans le nord de l’Etat Shan, et un effort japonais pour établir la culture du sarrasin dans les régions de Kokang et de Mong Ko aisi que dans le nord-est de l’Etat Shan. Par ailleurs, la Thaïlande a accepté d’étendre ses propres projets alternatifs au-delà de la frontière, dans le sud de l’Etat Shan ; elle a fournit un effort de 440,000$ pour ce projet transfrontalier.
Les principaux bailleurs de fond des programmes de l’UNODC en Birmanie sont les EU et le Japon, suivis par l’Australie, l’Allemagne et l’Italie qui y contribuent depuis 2002. En 2002, l’UNODC en Birmanie a reçu 2,3 millions de $ ; les estimations des besoins pour les 5 prochaines années font état de 26 millions de $, principalement pour couvrir les dépenses humanitaires.
Toutefois, la controverse se poursuit entre les partisans de l’aide et ceux qui souhaitent d’abord constater des réformes. L’UNODC et ses donateurs pensent qu’il est important de conduire ces programmes de lutte contre la drogue pour des raisons tant humanitaires que politiques. Selon le journal The Irrawady, la situation du contrôle des drogues en Birmanie est un problème de dimension nationale, régionale et internationale. Au niveau humanitaire, l’insécurité alimentaire et la propagation rapide du virus VIH/SIDA sont des facteurs significatifs. Par exemple, 30% des cas de HIV officiellement déclarés résultent de l’injection de drogue. Au niveau politique, les drogues sont la cause d’instabilités régionales et freinent la réelle transition politique.
Selon les critiques, le SPDC est directement impliqué dans le trafic de drogue, au niveau individuel ou institutionnel et ne fait aucun effort pour une éventuelle éradication, si ce n’est quelques gesticulations pour rassurer la communauté internationale.
Jusqu’à maintenant, certaines voix n’ont jamais été entendues ; en se focalisant sur l’Etat Shan, la communauté internationale a ignoré les efforts en matière d’éradication perpétrés par les groupes de cessez-le-feu comme le KIO ou la NDK-A dans l’Etat Kachin ; ces groupes ont pour la plupart, mené des actions dans leur zone sans faire appel à l’aide internationale. De toute façon, ceux qui ont lancé des appels n’ont pas été entendus.

Toutefois, de nombreuses agences de développement internationales se sont implantées en Birmanie et parviennent à travailler directement avec les communautés locales, sans interférences du régime. D’autres organisations locales ont vu le jour et développent des programmes alternatifs.
Par ailleurs, l’imminence d’une crise humanitaire due à la prohibition prévue pour 2005 force la communauté internationale à repenser ses stratégies. Elle devrait développer une politique qui soutient les fermiers victimes de la répression de la junte et de la diabolisation des groupes de cessez-le-feu par la communauté internationale.
En effet, à aucun moment les intérêts des fermiers cultivant l’opium n’ont été représentés dans les débats internationaux sur les politiques d’éradication des drogues. Ils n’ont participé à aucune étape du processus de décision des stratégies anti- narcotiques qui ont un effet considérable sur leur conditions de vie.



                                                         

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